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Africa Last Updated: Feb 26, 2021 - 12:17:21 PM


L’attaque mortelle du convoi de l’ambassadeur italien en RDC : à qui profite le crime ?
By J. Ziambi & JJ. Wondo 214/2/21
Feb 26, 2021 - 12:16:20 PM

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Luca Attanasio, l’ambassadeur d’Italie à Kinshasa a été tué , le lundi 22 février à Kibumba, au nord de Goma dans la province du Nord-Kivu, par balles lors d’une attaque armée qui a visé un convoi du Programme alimentaire mondial (PAM). Il y avait été invité à visiter des centres de distribution de vivres gérés par le PAM. L’ambassadeur et son convoi ont été pris pour cible par des hommes armés non-identifiés vers 10H15 locales. Le chauffeur congolais et le garde du corps italien de l’ambassadeur ont également péri dans l’attaque. Les victimes étaient dans un convoi de deux véhicules du PAM, sans présence de la MONUSCO ni des éléments des FARDC, l’armée congolaise.

Cette attaque et la recrudescence exponentielle de l’insécurité à l’Est du Congo illustrent la situation volatile et très instable dans laquelle la RDC se trouve depuis deux ans. L’attaque rappelle amèrement à la communauté internationale les conflits de basse intensité, savamment entretenus et souvent oubliés, qui ravagent depuis 25 ans l’Est de la RDC.

Loin de prétendre mener une enquête judiciaire sur ce tragique événement, la présente analyse tente de décrypter la situation sécuritaire de la zone ainsi que les faits diplomatiques marquants y afférents. Notre premier objectif, modeste, est de rassembler un maximum d’informations factuelles permettant de faire ressortir les éléments liminaires de compréhension du contexte du déroulement de cette attaque en les inscrivant dans un double cadre conceptuel interne et de la géopolitique régionale. Ceci constitue pour nous la bonne matrice de travail sur laquelle les enquêteurs chargés d’élucider ce crime doivent baser leurs recherches en vue d’en déterminer les véritables commanditaires et auteurs.

Des versions contradictoires concernant les auteurs de cette attaque
L’attaque a été unanimement condamnée par l’opinion nationale et internationale. Sans surprise et sans avoir mené des investigations préliminaires, les autorités congolaises ont pointé la responsabilité des rebelles hutus rwandais des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR). Dans un message lu par son porte-parole à la télévision nationale, le président congolais Félix Tshisekedi a condamné « avec la plus grande fermeté cette attaque terroriste« . Le président Tshisekedi a demandé une enquête pour que les auteurs de l’attaque soient « identifiés et traduits devant la justice ». Le ministère congolais de l’Intérieur et le gouverneur du Nord-Kivu, Carly Nzanzu, ont quant à eux accusé les rebelles hutus rwandais FDLR d’être à l’origine de l’attaque meurtrière du convoi[1]. Le Secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, a aussi demandé à la RDC « d’enquêter avec diligence » sur cette attaque. Pour le Baromètre sécuritaire du Kivu, il est possible que les FDLR soient responsables de cette attaque. Mais, il est trop tôt pour le confirmer, car ce groupe n’est pas le seul groupe qui opère dans cette zone, au pied du volcan Nyiragongo[2].

De leur côté, les FDLR ont réagi dans un communiqué niant catégoriquement leur implication dans cette attaque. Le colonel Placide Niyiturinda, leur porte-parole, affirme que leurs troupes sont trop éloignées de la zone, contrôlée, selon eux, par l’armée congolaise. « Nos troupes sont très loin du drame. Cet acte ignoble a eu lieu entre Goma et Kibumba où sont installés des éléments des FARDC, au-delà de la route qui mène de Goma à Rutshuru. Donc les FDLR n’ont rien à voir avec cette attaque. Il faut qu’une enquête internationale soit diligentée pour que la vérité soit établie »[3]. Il est tout de même ahurissant pour un Etat d’être toisé par une bande armée étrangère qui affirme contrôler une portion de son territoire et une partie de sa population.

Dans une vidéo qui circule sur les réseaux sociaux, un éco-garde de l’ICCN[4] se plaint de leur situation sur le terrain. Il dénonce des attaques quotidiennes dont ils sont victimes. Il déclare que le convoi de l’ambassadeur a été attaqué près du marché de Kibumba dans une zone appelée des « Trois antennes [5]» et non dans la brousse selon la version officielle des autorités congolaises.

Selon une source travaillant avec une mission diplomatique européenne à Goma, l’attaque s’est déroulée à une centaine de mètres d’un check-point contrôlé par les FARDC. « D’ailleurs, moi-même je passe régulièrement sur ce tronçon et il y a des « check-point » tous les 1 km à peu près. Comment expliquer qu’à ce niveau-là qu’il n’y ait plus de protection ? La route est classée « verte » à cet endroit. Le convoi ne nécessitait pas une escorte armée vu qu’il y a plusieurs positions des FARDC et des gardes de l’ICCN dans le coin ».

Quelle est la situation militaire de la zone d’attaque ?
Pour endiguer l’insécurité qui règne dans la province du Nord-Kivu, des opérations de grande envergure ont été lancées depuis novembre 2019 sur les deux secteurs opérationnels, à savoir : Sokola 1 dans le secteur « Grand Nord » (incluant les territoires de Beni et Lubero) et Sokola 2 dans le secteur « Petit Nord » (incluant les territoires de Rutshuru, Nyiragongo, Masisi et de Walikale).

Selon les sources militaires de la 34ème région militaire (correspondant au territoire administratif du Nord-Kivu), l’attaque s’est produite dans la zone du Parc des Virunga située dans le territoire de Nyiragongo où se déroule les opérations militaire Sokola 2 contre les rebelles rwandais des FDLR. La zone est actuellement contrôlée par le 3408ème régiment d’infanterie des FARDC[6]. Le 3408ème régiment est actuellement déployé dans le Parc du Virunga jusqu’à Kibumba, non loin de Goma. Cette unité est composée d’une majorité d’éléments issus de la rébellion du CNDP, autrefois soutenue par le Rwanda.

DESC a contacté un officier supérieur des FARDC qui a commandé des troupes dans la zone durant quatre ans à Goma. Cet officier déclare maîtriser la topographie militaire du secteur. Il nous affirme avec force que l’endroit indiqué se trouve non loin de la frontière avec le Rwanda, comme le démontre l’image ci-dessous. Et d’ajouter, le Rwanda a pris le soin de contrôler une zone tampon au-delà de ses frontières en RDC afin d’éviter des infiltrations dans son territoire et la zone indiquée est sous contrôle des milices à la solde du Rwanda. En effet, choisir des endroits d’attaque flous où il est difficile d’identifier qui les contrôle en y ajoutant la proximité avec la frontière, fait partie du modus operandi pour un acteur habitué à mener des activités terroristes de déstabilisation en brouillant les pistes pouvant amener à le démasquer. Et ce choix n’est pas anodin, selon nous.

La zone dite des « trois antennes » est située à Kibumba. Cette cité a été autrefois occupée par les éléments du M23 qui y ont perpétré des massacres en octobre 2013. On y avait découvert à l’époque deux fosses communes remplies de cadavres humains[7]. Depuis 2019, cette zone a de nouveau été réinvestie par des éléments militaires et paramilitaires rwandais, déployés principalement dans les Virunga, selon des sources militaires congolaises. Plusieurs témoins les ont aperçus à Ishasha, à Masisi, à Rutshuru, à Kitshanga, à Walikale et à Rumangabo[8]. Cette information, autrefois niée par les autorités congolaises, a été confirmée dans le dernier rapport du Groupe d’experts de l’ONU sur la RDC, publié le 23 décembre 2020. Selon ce document : « des militaires de la Force de Défense Rwandaise (FDR) sont présents en RDC dans les territoires de Nyiragongo, de Rutshuru et de Masisi ». « Entre fin 2019 à début octobre 2020, des membres des Forces de défense rwandaises étaient présents dans le Nord-Kivu, où ils ont mené des opérations en violation du régime de sanctions ».

Le Nyiragongo : un paradis touristique transformé en nids des groupes armés
Le Parc national des Virunga, est un site touristique naturel qui se trouve sur le territoire de Nyiragongo. L’attaque s’est déroulée dans la partie sud-est des Virunga où se trouve le secteur des gorilles qui abrite un tiers des mille gorilles de montagne restants au monde. Cette zone est devenue le théâtre des conflits entre plusieurs groupes armés congolais et étrangers qui se disputent le contrôle des richesses du sol et du sous-sol. Selon le Baromètre du Kivu (KST), à proximité des lieux du drame se trouvent les fiefs de plusieurs groupes rebelles dont la rébellion hutue rwandaise des FDLR, des milices congolaises Nyatura. Des éléments, essentiellement tutsis, de la rébellion du M23 sont également localisés dans la Zone.

Selon deux sources des renseignements militaires de la 3ème Zone de défense, contactées par DESC, le secteur de Kilimanyoka est investi par plusieurs groupes armés contrôlés par le Rwanda, notamment par la faction des FDLR/RUD (RUD-URUNANA). Ces sources militaires renseignent que les FDLR/RUD reçoivent des renforts en armement de l’armée rwandaise via un corridor qui traverse la frontière congolo-rwandaise par le secteur Mikeno, situé dans la partie sud-est du Parc des Virunga en passant par Gikeri. Ces soutiens bénéficient également aux rebelles de Nduma Defense of Congo-Rénové (NDC/R) du chef milicien Guidon Shimirayi.

Au Nord-Kivu, on distingue deux groupes des FDLR : les FDLR/FOCA et les FDLR/RUD. Les premiers, les Forces combattantes Aba Cunguzi (FOCA), sont issus de génocidaires Interhamwe. Les seconds (RUD) sont un groupe dissident des FDLR, mais qui accueillait des Tutsis qui quittaient le Rwanda et surtout l’Ouganda, pour s’installer en RDC. Ces rwandais formés par l’armée rwandaise (RDF) se sont infiltrés en RDC pour y mener des activités de déstabilisation, d’espionnage et de facilitation du trafic illégal des minerais, selon des sources militaires congolaises. Selon John Nsengo, un ancien Assistant du processus DDRRR au sein de la MONUSCO : « Au départ, le RUD était dans une coalition dénommée Congrès national démocratique (CND) avec un groupe d’officiers Tutsis du nomde Rassemblement pour le peuple rwandais (RPR-Inkeragubatara). Les FDLR/RUD avaient déjà une position avancée dans le Parc des Virunga vers Bunagana… alors que leur QG était à Mashuta (limite entre les territoires de Lubero et Walikale). Mais le groupe fut infiltré par les anciens éléments rapatriés au Rwanda à travers le processus de DDRRR et qui, une fois arrivés au Rwanda étaient formés pour retourner en RDC en vue d’exécuter des plans des RDF. Après le décès du Général Mousare, leur commandant militaire sur terrain, le groupe fût infiltré à grande échelle. Il s’est ensuite disloqué. Une partie de ce groupe a tissé des relations avec les autres groupes armés locaux et collabore actuellement avec les « ADF » qui tuent à Beni. Leur emplacement vers la frontière ougandaise était aussi motivé pour faciliter le recrutement de nouveaux combattants en Ouganda qui devaient ensuite être acheminées en Territoire de Beni pour le compte des ADF. Et ce circuit fonctionnerait encore actuellement ». Ces FDLR/RUD sont majoritairement de l’ethnie tutsie.  Ils pillent, tuent, sèment le chaos et violent. Ils sévissent principalement dans les territoires de Masisi, de Rutshuru et dans le Parc des Virunga. Ils bénéficient des complicités dans l’armée congolaise via des rebelles brassés, mixés et intégrés dans les FARDC, aussi dans la police congolaise.  Ils travaillent pour le compte du Rwanda afin de maintenir son emprise sur la RDC, précisent nos sources.


Le Major Rwigema : un des officiers tutsis qui avait rejoint les FDLR/RUD. Photo prise par John Nsengo, ancien Assistant du programme DDRRR/MONUSCO

Par ailleurs, d’autres groupes armés locaux évoluent également dans la région et les zones attenantes. Il s’agit principalement des :

Mai-Mai Manzembe-Kyaghanda qui militent pour la défense de la communauté Nande-Yira.
Nyatura : une milice congolaise hutue qui a collaboré avec les FDLR et les FARDC contre le M23. Le groupe prétend protéger les intérêts des hutus contre les anciens officiers du CNDP et le M23 » et l’infiltration de l’armée rwandaise en RDC.
M23 : une rébellion soutenue par le Rwanda qui milite essentiellement pour la cause tutsie.
NDC-R : cette milice défend la communauté Nyanga contre les hutus des FDLR et assimilés dans les territoires de Masisi et de Walikale. Le NDC-R s’était autrefois allié aux rebellions du CNDP et du M23 soutenus par le Rwanda qui le soutient à son tour.
Existe-t-il une corrélation entre les récents activismes diplomatiques entre le Rwanda et la RDC ?
Les premières analyses militaires de l’attaque effectuées par les experts de DESC avancent l’hypothèse d’une attaque préméditée et bien planifiée. Pour réussir une telle attaque avec autant de dextériité, les assaillants doivent avoir préalablement reçu des informations précises sur la présence de l’ambassadeur dans la région et l’itinéraire de son convoi. La veille de l’attaque, le dimanche 21 février, il était à Bukavu à la messe chez les pères Xavériens. Selon une source de la MONUSCO : « On me dit que l’ambassadeur est arrivé à Goma par le terminal de la MONUSCO. Il est parti immédiatement vers le terrain après que la ‘clearance’ de la MONUSCO ait donné le feu vert au convoi en disant qu’il n’y a aucun risque ! ».

Cela nous pousse à analyser certains aspects sécuritaires et diplomatiques qui se sont déroulés récemment dans la région.

D’abord, une imposante délégation rwandaise d’une dizaine d’officiels avait effectué une visite de travail à Kinshasa le 19 janvier 2021. Conduite par Vincent Biruta, ministre rwandais des Affaires Étrangères, la délégation rwandaise était constituée notamment du Général Joseph Nzabamwita, Secrétaire général des services des renseignements, de M. Vincent Karega, Ambassadeur du Rwanda en RDC et de M. Donald Kaberuka, l’Envoyé spécial de l’UA pour mobiliser le soutien international au plan africain de riposte anti-Covid-19 et ancien président de la Banque Africaine de Développement (2005-2015). De quoi ont-ils parlé concrètement ?

Quelques jours après cette rencontre, c’était le tour de François Beya, le Conseiller spécial du Président Tshisekedi en matière de sécurité, de se rendre à Kigali avec une délégation congolaise. Dans leurs entretiens , ils ont évoqué la possibilité d’effectuer une opération militaire conjointe entre les deux armées dans l’Est du Congo. A l’issue de sa mission, Francois Beya a déclaré : « Nous sommes ici pour défier le monde, en particulier l’Occident, qui ne veut pas que nous parlions et travaillions ensemble ». Quelle était son intention réelle à travers ses propos ?

En effet, c’est un secret de Polichinelle que depuis l’arrivée du président Tshisekedi au pouvoir, ce dernier a resserré ses liens avec le Rwanda, suscitant le mécontentement du Burundi et de l’Ouganda, deux pays en conflit avec le Rwanda. Le Rwanda essaie par tous les moyens de convaincre Kinshasa de mener des opérations militaires conjointes à l’Est de la RDC pour traquer les groupes rebelles qui déstabilisent la région. Une première tentative d’une grande offensive conjointe des armées de la région (Rwanda, Ouganda, Burundi et Tanzanie) contre les rébellions dans l’Est de la RDC, entre novembre 2019 et mai 2020[9], a avorté à la suite des refus de l’Ouganda, du Burundi et de la Tanzanie. La RDC signera seule la déclaration finale. Ces désistements vont finalement pousser les autorités congolaises à mener pratiquement seules les opérations militaires, avec l’appui des unités spéciales rwandaises, selon plusieurs sources militaires participant à ces opérations[10].

A ce stade, compte tenu de récentes activités diplomatiques entre la RDC et le Rwanda, une source de la DEMIAP, acronyme des renseignements militaires congolais, dit ne pas exclure aucune hypothèse. Selon cet officier supérieur : « cette attaque ne serait-elle pas un plan monté par le Rwanda pour montrer à la face du monde qu’il faut mener ladite opération en toute urgence ? ».

Et l’on est en droit de se poser légitimement la question de savoir qui seraient stratégiquement les bénéficiaires de ce crime ? Que gagneraient concrètement les FDLR, déjà acculés de toutes parts, dans la commission de cette forfaiture ? Et pourquoi le Gouvernement congolais, sans avoir mené des enquêtes préliminaires, a instinctivement pointé la responsabilité des FDLR ?

Une attaque similaire à celle contre des casques bleus tanzaniens en 2017
En effet, le 7 décembre 2017 une attaque d’une extrême violence, avec les armes lourdes, contre un casernement des casques bleus tanzaniens a occasionné quinze tués du côté tanzanien, 59 blessés et trois disparus dans les rangs des FARDC et des casques bleus. Les assaillants, des militaires professionnels connaissant la région, avaient ciblé une base de la MONUSCO tenue par un contingent tanzanien à Semuliki[11]. Selon des sources onusiennes, confirmées par Judi Revers, ce rapport dirigé par le russe Dimitri Titov sur l’attaque contre les casques bleus tanzaniens à Beni, indexe le Rwanda et risque même d’embarrasser les gouvernements de la région et mettre fin au récit officiel du djihad derrière les massacres de Beni. Ce rapport serait déjà clôturé, mais l’ONU bloquerait sa publication.

Conclusion et recommandations de DESC
L’attaque mortelle du convoi de l’ambassadeur italien consacre l’échec des opérations militaires d’envergure lancées en novembre 2019 à l’Est du pays. Elle illustre en même temps l’inefficacité de la MONUSCO. Cette situation risque de se détériorer davantage si rien n’est fait pour trouver des solutions politiques, diplomatiques et sécuritaires pragmatiques et durables adaptées notamment au contexte particulier de la crise généralisée en RDC.

Cependant, au-delà des enjeux internes de cette crise, comme nous le mentionnons souvent, un des grands aspects de la crise sécuritaire en RDC trouve ses motivations dans les facteurs exogènes. Cette approche semble malheureusement souvent occultée par bien des experts occidentaux et leurs diplomates déployés dans la région lorsqu’ils abordent la problématique de la crise congolaise de ces deux dernières décennies. Cette crise trouve principalement son substrat dans les guerres imposées et subies par la RDC par des acteurs internationaux, multinationaux, transnationaux et dans les enjeux des acteurs de proxys régionaux. Et il y a des indications sérieuses que cette attaque soit loin d’être un acte fortuit isolé ou une affaire purement congolaise.

Aux autorités congolaises et à la communauté internationale, DESC propose les recommandations suivantes :
Une enquête internationale indépendante et impartiale doit être menée assez rapidement pour élucider ce triple meurtre. Mais cette enquête devrait également s’élargir pour tabler sur les responsabilités nationales et internationales dans le maintien de l’insécurité dans cette partie de la RDC.
Etant donné que la paix ne peut être rétablie sans la justice, DESC recommande, comme le préconise également le docteur Denis Mukwege, la mise en place d’un tribunal pour juger toutes les personnes citées dans le Rapport Mapping des nations-Unies, couvrant la période 1993-2003. Toutefois, ce tribunal peut également se saisir de tous les cas des crimes commis après 2003[12]. Ce projet doit être soutenu par le gouvernement congolais en usant d’une diplomatie entreprenante et volontariste. Malheureusement, nous constatons une carence et une forme de continuité dans la manière de traiter cette affaire au niveau des autorités politiques congolaises du fait de l’implication dans ces tragédies de plusieurs acteurs politiques congolais actuels encore en activité. Il est aussi de notoriété publique que les différentes rebellions qui ont endeuillé le Congo ont été soutenues par des gouvernements des pays voisins et d’au-delà des frontières immédiates, et sur le terrain par leurs armées érespectives. D’ailleurs, ces politiciens congolais ont été recrutés par les services secrets de ces pays et ils agissaient en tant qu’acteurs de proxys selon des calendriers et des volontés fixés par ces Etats. Dès lors, toute poursuite équivaudrait à ouvrir la boite de pandore[13].
Réactiver les processus DDR[14] et DDRRR[15]. La mauvaise prise en charge des combattants démobilisés et leur réintégration quasi systématique au sein des FARDC impacte négativement l’efficacité des FARDC. L’accent doit être mis sur l’amélioration du volet réinsertion sociale de ces ex-combattants. Cela passe par la mise en place pragmatique des projets concrets conçus sur base de critères drastiques favorisant une bonne reconversion des combattants dans la vie civile et au sein de leurs communautés d’origine. Il faudrait éviter de réintégrer des rebelles dans l’armée. Les cas du Liberia, de la Sierra Leone, de l’Angola ou de l’Afrique du Sud peuvent servir d’exemples. Il faudrait aussi mobiliser des ressources nécessaires pour la réussite de mise en œuvre du processus de DDRRR. Aussi une meilleure orientation, coordination, surveillance et évaluation des processus DRR et DDRRR est nécessaire comme le suggère le dernier rapport du BCNUDH.
Poursuivre et rectifier le plan de réforme de l’armée. En effet, le commandement des troupes reste défaillant. Sur terrain, on constate aussi une juxtaposition des structures de commandement parallèles. Les unités qui opèrent dans le secteur dépendent sur le plan opératique du commandant su secteur opérationnel et sur le plan administratif du commandant de la 34ème Région militaire, voire du commandant de la 3ème zone de défense. Chaque structure dispose de ses propres responsables des renseignements (S2) qui traitent les informations de manière cloisonnée. Sur le terrain, on assiste souvent à des conflits de compétence entre les différents responsables des structures militaires susmentionnées. La plupart se disputent les moyens alloués aux opérations. Ce qui impacte négativement la conduite des opérations. Le niveau de combativité des FARDC reste très faible. On y décèle l’insuffisance d’unités spécialisées pour mener des opérations ciblées en profondeur en zones hostiles et un déficit de renseignement militaire incapable d’identifier correctement l’ennemi. L’armement et les moyens de communication des troupes en opérations laissent à désirer au niveau tactique. Il faudrait également optimiser le fonctionnement de la chaine logistique et lutter contre la cannibalisation des équipements militaires. Accroître la motivation des troupes au combat en leur dotant des moyens de combat adéquats, d’une rémunération décente et des primes de combat conséquentes.
Procéder à une nouvelle identification des militaires et des unités déployées à l’Est du pays. Eviter de nommer aux postes de commandement des opérations à l’Est des officiers ayant fait partie des groupes rebelles autrefois soutenus par les pays voisins. Il faudrait également encourager l’application de la politique de l’affectation des non originaires dans les zones d’opération et appliquer strictement des règles et des principes relatifs à la relève des troupes. Plusieurs militaires totalisent cinq ans dans la zone sans être relevés.
Renforcer la justice militaire et sanctionner sévèrement des militaires indisciplinés et non loyaux.
Procéder également aux réformes optimisées des autres services de sécurité : ANR, DGM…
Pousser tous les Etats de la région à appliquer rigoureusement l’Accord-cadre d’Addis-Abeba et faire fonctionner efficacement le mécanisme de suivi des accords de paix d’Addis-Abeba, inefficace à ce jour. Dans ce cadre, l’opinion congolaise doit pousser la communauté internationale à imposer un dialogue politique interne entre les rwandais. Ce pays est assis sur un volcan, en dehors du génocide, il existe des problèmes liés au verrouillage de l’espace politique et aux violations des droits de l’homme, qui un jour, exploseront. On ne maintient ni la paix ni l’ordre public dans un pays par le recours à la violence extrême.
Au moment où le Conseil de sécurité des Nations unies s’apprête à renouveler le mandat de la MONUSCO, la nouvelle revue stratégique doit pouvoir renforcer le mandat de la MONUSCO en prévoyant la création des unités supplémentaires pour mettre en place une deuxième brigade d’intervention avec les pays de la SADC dont l’Angola qui n’a pas encore participé aux opérations à l’Est du pays. Cette nouvelle brigade devrait bénéficier d’un mandat particulier lui permettant de mener des opérations coercitives robustes et ciblées contre tous les groupes armés de l’Est du Congo, unilatéralement ou conjointement avec les FARDC.
Sensibiliser les notables, les responsables des chefferies et des secteurs dans l’optique de se désolidariser de responsables des groupes armés locaux et étrangers.
L’opinion congolaise doit rester très vigilante et se mobiliser pour contrer tout projet d’opération militaire conjointe officielle entre le Rwanda et la RDC car le Congo n’est pas à balkaniser ! Cette opération conjointe n’a aucun sens et n’apportera aucune valeur ajoutée sur les plans militaire et sécuritaire, à l’instar des opérations précédentes. Le Rwanda a occupé et contrôlé, militairement,  pendant plus de 15 ans l’Est de la RDC, pourquoi Kagame n’a-t-il pas mis fin aux activités des FDLR ? En outre, depuis  1996, ce pays n’a pas cessé de mener des opérations militaires dans l’Est du Congo soit avec ses propres forces armées soit à travers ses soutiens aux différentes rebellions qu’il finance et entraine.  Imaginer qu’il mettrait fin à l’insécurité, c’est comme croire  éteindre un incendie, en utilisant de l’essence.
Jerôme Ziambi Kengawe & Jean-Jacques Wondo / Exclusivité DESC


Source:Ocnus.net 2021

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